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Yann Le Cun : ce français qui façonne l'avenir de l’intelligence artificielle mondiale

Comment le français Yann LeCun a réussi à s'imposer comme l'une des plus grandes références dans le domaine de l'intelligence artificielle et du deep learning à l'échelle mondiale ?

Yann Le Cun - ©RANDI KLETT

De la banlieue parisienne aux sommets de la Silicon Valley

Prononcé "Yann le Quin", le petit frenchy du Val d’Oise, diplômé d'un doctorat en 1987 à Curie, a depuis bien grandi. Son parcours académique remarquable l'a d'ailleurs conduit bien loin de la banlieue nord parisienne. Aujourd'hui, Yann qui accepte volontiers le CamelCase "LeCun", navigue dans les méandres de la Silicon Valley depuis plus de 30 ans. Professeur émérite, titulaire d'un prix Turing (le Graal des génies de l'informatique) et capitaine du navire IA chez Meta, LeCun est considéré comme l'un des inventeurs du "deep learning", cette méthode d'apprentissage profond qui entraîne les machines au lieu de les programmer. Et contrairement à certains, le soixantenaire ne redoute pas une apocalypse robotique. Selon lui, "l'IA peut amplifier l'intelligence humaine de la même manière que les machines ont amplifié notre force physique. C'est une opportunité de décupler notre créativité et de repousser les frontières de notre potentiel."

Yann LeCun : un pionnier académique visionnaire en Deep Learning

Dès son enfance, le jeune Yann se passionne pour le mystère de l’intelligence humaine et animale. Stimulé par son père ingénieur qui le challenge quotidiennement, le jeune prodige s'oriente vers un cursus académique brillant, ponctué d'un DEA et d'un doctorat à l’Université Pierre-et-Marie-Curie (la Sorbonne). Son sujet de prédilection se porte déjà sur l’apprentissage automatique pour l’intelligence artificielle (IA). Il propose, pour sa thèse, une variante de l’algorithme de rétro propagation du gradient, qui permet depuis le début des années 1980 l’apprentissage des réseaux de neurones.

Un tournant décisif marque sa carrière en février 1985, lors d'un colloque aux Houches, au cœur des Alpes. Ce rassemblement réunit les figures de proue de la recherche internationale dans le domaine des réseaux de neurones. C'est dans ce cadre qu'il a l'opportunité de rencontrer Larry Jackel, le respecté directeur de l'Adaptive Systems Research Department chez Bell Labs, ainsi que Geoffrey Hinton, éminent professeur à l'Université de Toronto et futur co-récipiendaire du renommé Prix Turing.

C'est également au cours de cette période qu'il fait la connaissance de Yoshua Bengio, étudiant en master à Montréal et fervent adepte des réseaux de neurones, qui deviendra également son co-lauréat au Prix Turing.

Les trois chercheurs qui ont bâti les fondements conceptuels de l’intelligence artificielle.

Après un passage éclair à l'Université de Toronto en 1987, Yann Le Cun rejoint les laboratoires prestigieux d'AT&T, mieux connus sous le nom de Bell Labs. Cette période marque un tournant dans sa carrière, bien que la recherche dans ces laboratoires commence à montrer des signes de déclin. Les réseaux convolutifs, fruits d'une invention conjointe de Hinton, Bengio et Le Cun, ainsi que l'algorithme de rétro propagation du gradient, constituent les fondations de technologies révolutionnaires actuelles telles que ChatGPT. Cependant, la puissance informatique limitée de l'époque rendait leur mise en œuvre ardue, engendrant un scepticisme généralisé.

Face à ces défis, Yann Le Cun poursuit son périple intellectuel, d'abord chez NEC, puis en tant que membre de l'université de New York.

C'est lors d'un diner dans la salle à manger privé de Mark Zuckerberg que le fondateur de Facebook persuade Yann LeCun de prendre les rênes de la recherche en IA de l'entreprise. En décembre 2013 il accepte de rejoindre Facebook afin de lancer et diriger le Facebook Artificial Intelligence Research (FAIR) à New York, Menlo Park puis, à partir de 2015 à Paris où il axe ses recherches sur la reconnaissance d’images et de vidéos.

“L’une des plus grosses utilisations de l’IA aujourd'hui c’est la modération des réseaux sociaux, mais les gens ne le voient pas", déclare l'expert.
Yann LeCun, Geoffrey Hinton et Yoshua Bengio reçevant le Prix Turing en 2019

La consécration de son génie est arrivée en 2019, lorsqu'il reçut, avec Yoshua Bengio et Geoffrey Hinton, le prix Turing, souvent considéré comme le "Nobel de l'informatique", pour leurs contributions extraordinaires à l'avancement de l'IA, notamment à travers l'élaboration et la promotion du deep learning.

Quand la machine apprend

2019 est l'année de toutes les réussites pour le prodige français. La sortie de son livre "Quand la machine apprend : la révolution des neurones artificiels et de l'apprentissage profond" est un succès. Dans cet ouvrage, Yann LeCun envisage un futur où l'IA redéfinit les limites technologiques, devenant un partenaire dans notre quête de savoir et d'innovation. Yann, contrairement à certains de ses pairs, demeure optimiste sur l'avenir de l'IA, soulignant l'importance de l'adaptation et de la formation continue face à la transformation technologique.

"L'intelligence artificielle redéfinit les frontières de la technologie, promettant un avenir où les machines ne sont pas seulement des outils, mais des partenaires dans notre quête de connaissance et d'innovation"
Couverture du livre de Yann Le Cun: Quand la machine apprend : la révolution des neurones artificiels et de l'apprentissage profond

Un visionnaire aux multiples facettes

Contrairement à ces deux acolytes avec qui il a partagé son prix Turing et qui émettent des réserves sur l'avenir de l'IA, Yann reste un éternel optimiste. Il continue de façonner l'avenir de l'IA, tout en s'assurant que son évolution reste alignée avec les besoins et les valeurs de l'humanité. Il pointe d'ailleurs l’urgence d’une formation continue à la transformation en cours.


"La technologie crée de nouveaux métiers et en supprime d'autres. Le problème réside surtout dans la façon dont nous allons nous adapter. On observe depuis dix ou vingt ans que la formation en sortie d’école n’est pas suffisante pour faire des individus des travailleurs maîtrisant leurs trajectoires professionnelles. Aujourd’hui, il faut constamment apprendre, désapprendre et apprendre de nouveau."

LeCun encourage à ne pas craindre l'intelligence artificielle, la considérant plutôt comme un moyen d'amplifier l'intelligence humaine. Il envisage l'émergence de l'intelligence artificielle comme le prélude à une nouvelle renaissance, un catalyseur potentiel pour un bond en avant de l'humanité, actuellement bridée par les limites de son propre intellect.

"Beaucoup de personnes pensent qu’il y aurait seulement deux manières de considérer l’IA : ce serait soit une technologie d’assistance, soit une technologie de remplacement. Je pense que cette vision binaire est totalement erronée car la technologie sous-jacente qu’il faut développer pour disposer de machines plus intelligentes est exactement la même, qu’elle soit utilisée pour l’assistance ou pour pour le remplacement. "

Un visionnaire donc, que le gouvernement français a pris soin de chouchouter en lui confiant en septembre dernier la lourde tâche de dessiner la feuille de route de la nation en matière d'IA au côté de 12 autres experts.

Propulsez les entreprises avec l'IA Générative

"Il y a quantité de connaissances ou d’informations à l’intérieur d’une entreprise auxquelles il est très difficile d’accéder ou que l’on a du mal à rechercher car elles existent sous la forme de groupes de discussion, de wikis, de messages et documents mal archivés. Collecter ces données sera facilité par l’IA, par les LLM et les RAG2, qui peuvent non seulement produire un texte, mais aussi récupérer l’information par son indexation et sa recherche ", confie Yann LeCun.
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Cette vision s'accorde avec celle de Didier Girard, co-CEO du Groupe SFEIR, pour qui "la technologie, loin de supplanter l'humain, offre aux individus et aux entreprises qui savent en tirer parti, une voie vers l'excellence et l'épanouissement."

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