Aller au contenu

Paris web 2025, deux jours parmi les bisounours - Jour 2

Déjà le deuxième jour de Paris Web 2025 : à peine remis des enseignements de la veille, nous voici prêts à enchaîner. Entre validisme, typographie et sécurité, c’est le grand écart. Mais la qualité fait le lien entre tous ces sujets.

Retour sur la deuxième journée de Paris Web 2025

Retrouvez le résumé du jour 1

  1. Design validiste: Comment rompre les normes systémiques
  2. Logiciel libre: participer, partager et créer
  3. Maintenance du web: des données de référence, des boucles et du lien humain
  4. L’impact psychosocial de l’IA sur le futur de nos métiers du numérique
  5. Identifier et choisir une typographie lisible
  6. Le S de HTTPS
  7. Les Web components et l’accessibilité
  8. Un web disponible, même sans internet
  9. Paillettes, Netscape et GIFs animés
  10. Paris (web) c'est fini !

Design validiste: Comment rompre les normes systémiques

Un slide parlant du "Validisme en société: Institurionnalisation, École inclusive sans moyens, Report des obligations d'accessibilité."
Tamara Sredojevic sur la scène de Paris Web

Cette deuxième journée commence fort avec Tamara Sredojevic, qui nous a donné des munitions pour lutter contre ces projets que personne n’a demandés et « arrêter d’avoir des trucs pas faits pour les gens mais pour l’argent ». Parce qu’en tant que personnes travaillant dans la tech, on en a marre de faire des choses inutiles et dépourvues de sens ; on fuirait bien notre quotidien en allant élever des chèvres, mais « le Larzac n’a pas demandé à accueillir toute la tech française ».

Tamara a mis en lumière les "normes systémiques" qui nous épuisent, comme la culture du présentiel et, surtout, le validisme (attendre des personnes handicapées qu'elles fassent l'effort de s'adapter, au lieu de faire l'inverse). Elle nous a rappelé que le perfectionnisme mène au jugement et impose un niveau de performance où l'erreur est interdite.

La solution ? Distinguer productivité et productivisme (produire à tout prix). Appliquez la règle des 3U : Utile, Utilisé, Utilisable. Rien de magique : interrogez les utilisateurs — même ceux qui voient le monde autrement. Comprendre les mécanismes d’exclusion, c’est déjà commencer à s’en défaire.

Tamara illustre ce propos par une citation de Sylvie Duchateau « être aveugle c’est voir autrement »

Logiciel libre: participer, partager et créer

En rupture avec les normes systémiques, Lucie Anglade nous a offert un vent de liberté en nous tendant les clés du paradis du logiciel libre.
Le logiciel libre, ce n’est pas juste gratuit : c’est la liberté d’utiliser, d’étudier le code (pour enfin comprendre ce qui se passe sous le capot), de redistribuer et, mieux encore, de modifier. C’est le pouvoir entre les mains des utilisateurs !


Et bonne nouvelle : tout le monde peut participer à son niveau ! On peut se balader du côté des "issues" sur les dépôts de projets et proposer des corrections (certaines sont même étiquetées "faciles" pour les novices !). Vous pouvez aussi améliorer la documentation ou participer aux événements.


Bref, le logiciel libre n’attend que vous pour devenir encore meilleur. L’agenda du libre de l’APRIL vous guidera vers les prochains rassemblements pour celles et ceux qui veulent lier l’utile à l’agréable.

Maintenance du web: des données de référence, des boucles et du lien humain

François Daoust nous a ensuite présenté ses "fidèles Yaks" — autrement dit, les projets qu’il a menés au sein du W3C pour rendre la documentation du web un peu moins... mystérieuse.


En 1989, le web tenait sur une dizaine de pages. Aujourd’hui, c’est un monstre de 650 spécifications, 80 000 concepts, des millions de lignes de code et porté par une dizaine de groupes (W3C, WHATWG). C’est un peu comme essayer de maintenir l’ordre dans une bibliothèque dont la taille double toutes les nuits.


L’objectif de ses projets est d’extraire des spécifications des données structurées et exploitables, mais aussi de participer à les améliorer. Parce qu’au fond, la maintenance du web est un équilibre complexe entre amélioration de la documentation, interopérabilité, fonctionnalité, outils et contrôle.
Avoir un web résilient et robuste est capital, car il est au cœur de toute notre structure informationnelle.

L’impact psychosocial de l’IA sur le futur de nos métiers du numérique

En s’appuyant sur différentes études ainsi que sur son expérience personnelle, Raphaël Yharrassarry démontre l’impact que l’Intelligence Artificielle a sur nos métiers.

Dans le milieu médical, l'IA fait des miracles pour la transcription des comptes rendus (gain de temps et de qualité). Par contre, en radiologie pour la détection de fractures, le gain de temps est minime et, pire, l'outil peut engendrer un risque de surconfiance. L'IA rate les fractures atypiques qu'un œil expert détecterait: elle ne remplace pas l'expérience, elle peut même la masquer.

Dans la tech, les développeurs et développeuses ont tendance à sous-estimer le temps alloué au développement d’une tâche si elle implique l’IA. Actuellement, il faut en moyenne plus de temps pour développer avec que sans IA si l’on tient compte du temps dédié à apprendre à maîtriser les outils et à attendre une réponse de leur part.

Raphaël nous rappelle que ce qui différencie un expert d’un novice c'est les métaconnaissances (les connaissances sur la connaissance) acquises par l’expérience et la collaboration. Or, s’il utilise l’IA, comment un novice devient-il expert ?

La solution ? Un usage frugal de l’IA: utilisez-la uniquement pour les tâches chronophages, avec des modèles spécialisés et assurez-vous que les résultats soient vérifiables. Les tâches qui nécessitent de la réflexion ne doivent pas être remplacées par de l’IA.

Identifier et choisir une typographie lisible

Damien Collot enchaîne en nous parlant de typographie et surtout de comment bien la choisir. 

Une typographie choisie avec soin assure la lisibilité et permet de se concentrer sur le contenu plutôt que sur l’effort de lecture.

L'adaptation à une nouvelle police est rapide (environ 20 minutes). Mais il en faut beaucoup plus pour l’apprécier et la trouver agréable.

La lisibilité ne dépend pas uniquement de la police, mais aussi de son contexte d’utilisation (notamment l’espacement entre les lignes), de la familiarité avec la typographie et du type de lecteur.

Quelques critères pour identifier une typographie optimale:

  • Des formes de lettres simples et ouvertes
  • Un espacement généreux
  • Une distinction des formes similaires (par exemple entre les lettres i et l ou les lettres d et b).

Damien Collot recommande d’opter pour la famille typographique de type « Humane ». À l’inverse, le type « Grotesque » est à éviter.

Le S de HTTPS

Agnès Haasser nous parle ensuite du S de HTTPS avec sa douce voix pour rendre honneur à la sécurité dont on ne parle que lorsqu’elle n’est pas présente !

HTTPS c’est HTTP avec une sécurité de la couche de transport TLS (Transport Secure Layer) qui assure la confidentialité et l’intégrité des données des communications internet.

Mais comment ça marche ?

Un chiffrement empêche les méchants de lire les messages échangés. Il existe plusieurs types de chiffrement: le chiffrement symétrique et le chiffrement asymétrique. Ce dernier fonctionne avec des clés différentes pour chiffrer et déchiffrer. HTTPS utilise ces deux types de chiffrement.

Le chiffrement symétrique permet de tout chiffrer car c’est un chiffrement rapide. J’ai été très déçu d’apprendre que ChaCha20 n’a rien à voir avec les chatons, c’est un type de chiffrement symétrique.

Les algorithmes de chiffrement sont publics mais les clés sont secrètes, il faut donc les transmettre de façon sécurisée (sinon, n’importe qui peut déchiffrer nos données et on aurait dansé la ChaCha pour rien !).

C’est là qu’intervient le chiffrement asymétrique. Le chiffrement asymétrique s’appuie sur des courbes elliptiques (dont l’une fait penser à la forme d’un téton), une clé privée et une clé publique. Il est difficile de retrouver la clé privée à partir de la clé publique. Le chiffrement asymétrique est plus complexe et plus long que le chiffrement symétrique. C’est pourquoi il n’est pas utilisé pour de grands volumes de données.

Enfin, les certificats, permettent de prévenir les attaques de « l’homme du milieu » (« Man in the middle »). Let’s encrypt est l’un des plus utilisés (60% des certificats), il est gratuit et son renouvellement est automatisable grâce au protocole ACME (Automated Certificate Management Environment). Cependant c’est un certificat américain, on pourra lui préférer des alternatives européennes https://european-alternatives.eu/category/acme-ssl-certificate-providers.

Les Web components et l’accessibilité

Simon Duhem et Nicolas Jouanno Daniel nous ont plongé dans les profondeurs obscures du shadow DOM et des Web Components. 

Les Web Components utilisent le shadow DOM qui permet d’encapsuler le style et le code du composant. On peut créer des web component de façon native mais cela est très verbeux. On préférera donc souvent utiliser l’une des différentes librairies qui permettent d’en créer, comme Lit Element ou Stencil. Ils peuvent être utilisés quel que soit le framework, sans se soucier d’une éventuelle migration du code.

Cependant, les choses se compliquent. Ce joli système d'encapsulation a un inconvénient majeur: il brise les liens ARIA. Si vous tentez de lier un élément à l'intérieur du Shadow DOM avec un élément à l'extérieur, cela ne fonctionne pas car les identifiants (`id`) ne sont pas partagés entre les contextes.

Attention également aux outils d'analyse ! Certains n'ont pas encore intégré la notion de Shadow DOM et ignorent tout simplement le contenu encapsulé, ce qui peut vous donner de fausses alertes ...

Un web disponible, même sans internet

Ignacio Rondini nous partage une anecdote de vacances au Chili, dans une zone peu couverte par les réseaux mobiles (et pas du tout par les réseaux filaires). Il a fait l'expérience de la sélection naturelle numérique : seules les applications vraiment légères et rapides survivent. Il a même dû laisser son téléphone collé à une fenêtre pour capter.

Cette expérience met en lumière les inégalités socio-économiques d'accès à Internet. En milieu rural il y a une faible densité de population, une grande distance entre les lieux d’habitation et, en moyenne, moins de ressources économiques. Le coût de l’infrastructure par habitant est plus élevé.

Mais est-il nécessaire de couvrir toute la planète avec un réseau ultra rapide ?

Finalement, est-ce qu’une partie de la solution ne serait pas la sobriété numérique ? Permettre à nos sites et applications de fonctionner même avec un réseau de mauvaise qualité ou un appareil vieillissant. Généraliser le concept de « offline friendly » pour travailler sans connexion et charger les données plus tard.

Paillettes, Netscape et GIFs animés

Pour finir, Nathalie Rosenberg a mis des paillettes dans notre vie avec un retour vers le passé d’Internet. Un peu d’archéologie du web et soudain, tout se met en mouvement : ça clignote, ça brille et, soyons honnêtes, ça pique les yeux.
Mieux valait ne pas souffrir de cybercinétose pour suivre cette conférence !
C’était aussi l’occasion de rendre hommage à Flash (pas celui qui court vite) et aux balises heureusement disparues, comme <marquee>, qui permettait de faire défiler du texte.

Paris (web) c'est fini !

La scène de Paris web avec l'ensemble des Staffeureuses ! (et iels le sont)

Cette deuxième et dernière journée de Paris Web est terminée. Comme toujours, c’était une vraie bouffée d’air frais qui donne envie de révolutionner nos pratiques, de lancer de nouveaux projets ou d’apprendre de nouvelles choses !

Mon cerveau est plein, et mon cœur aussi. Je termine ce compte rendu avec deux vœux (je garde le troisième vœu du génie pour moi) : faisons ensemble un web meilleur, et que l’exemple d’inclusion donné par Paris Web se diffuse partout. C’est possible, ils l’ont démontré.

Accessibilité & design inclusif en 2025 : concevoir pour tous, durablement.
L’accessibilité numérique n’est ni un luxe ni un bonus : c’est un impératif légal, éthique et stratégique. Dès 2025, RGAA, WCAG 2.2 et bientôt 3.0 imposeront aux entreprises d’intégrer l’accessibilité dès la conception pour offrir des produits inclusifs et durables.
La sobriété numérique : réalité ou utopie ?
Le numérique est omniprésent mais son impact environnemental est notable. Pouvons-nous transformer le numérique en un allié de la planète ?

Dernier